Cher journal,
Dans mon lit ce matin dormait près de moi Stenka Razine. Sa barque était sombre et brutale ; il m’a jetée par dessus bord pour prouver à ses cosaques que son âme restait grande et loyale. Ma fente de cuir suintait l’eau de rose comme une icône miraculée mais il n’y avait personne à abreuver sur les rives du Don. Je flottais, algue apostasiée entre les eaux tièdes et obscures des pensées communes. Des cheveux et des sexes frôlant ma joue, me forçant à avaler, désemparée, ce liquide épais et astringent. Heureusement, je fus sauvée par cette femme nue à la peau bleue, portant les stigmates sur sa langue, ses pieds, son flanc et ses innombrables mains. Elle n’a toujours pas quitté mes bras, ses cris creusent sur mes tempes des sillons qui se rejoignent pour former un alphabet impur.
J’ai la lèvre inférieure tuméfiée et l’ironie terrifiée.