Il n’y a que moi qui sais que l’institutrice de contorsionniste a frotté sa vulve contre la garniture à la crème des flancs du marché. Il n’y a que moi qui sais que la nonne de cuir laisse sécher du sperme sous son aisselle. Il n’y a que moi qui sais que les océans deviennent stériles et que notre temps est compté.
Seul le murmure de l’eau fait diversion dans le calme terrible de cette nuit géologique. Je n’ai plus de mains et de cheveux, mes ailes sont nerveuses et nervurées et je sens la présence des peaux irascibles grâce à un trou que les drosophiles ont creusé derrière ma tête. Mon nom est gravé sur mes lèvres cousues: BIONDETTA. Et ma couche, grouillante et purulente, est tapissée de larves tièdes et que je nourris de mes larmes.
Le jour, je dors sur l’autel, je reste immobile telle une statue et les
glossines viennent adorer ma beauté en embrassant mes pieds. Mais quand tombe la
nuit, je m’éveille des profondeurs obscures de la mort, j’enfile un costume noir
qui dévoile les vingt-deux points sensibles de mon corps et je m’assois sur un
trône rouge, dans la salle des glaces. Toute la nuit les lucioles font le cercle
d’Éros autour de moi, baisent rituellement ma peau et me mènent à tire-d’aile
jusqu’à la déchirure.
D’un côté, il est évident que la taille du pénis n’a pas d’importance parce que la sexualité ne se limite pas à la pénétration ni même à la génitalité, il y a tout un univers de pratiques excitantes à explorer surtout pour quelqu’un comme moi qui a besoin de simulations multiples pour atteindre l’orgasme – au niveau du clitoris, mais pas que – alors quelle que soit la taille de son pénis, si mon ou ma partenaire ne pense qu’à le faire aller et venir dans mon vagin et refuse de me caresser ou de me lécher, je risque de m’ennuyer ferme, mais ça va encore plus loin puisque la connexion humaine, l’échange de regards remplis de désir et de sensualité, les mordillements et les souffles sur la peau contribuent beaucoup plus au plaisir que la taille de l’outil et croyez-moi, c’est une excellente chose puisque les pénis sont comme les autres parties du corps, ils viennent dans une multitude de tailles, de formes et de couleurs et c’est tout cela qui fait la magie de la découverte lors de l’effeuillage d’un nouveau ou une nouvelle partenaire, même si celui ou celle-ci l’a déjà exhibée en messagerie, car rien ne remplace l’expérience de l’avoir sous le nez pour une première fois en chair (mais pas en os) et dans tous les cas, si le pénis ainsi découvert est beau, proportionnel et bien dur, sa taille est bien secondaire, sans compter que, disons-le franchement, l’hygiène a beaucoup plus d’importance dans ce rayon parce que tant que le pénis est propre, qu’il sent et goûte bon, moi ça me va, alors que si il pue ou qu’il est tartiné de smegma épais et crémeux, alors là, c’est un non catégorique et il en va de même pour l’esthétique : en tant que lectrice avide de littérature érotique, j’en ai assez que la description des pénis se limitent à dire qu’ils sont « énormes », surtout que l’individu porteur de cet appendice monstrueux est presque toujours dans la fiction un bad boy aux comportements toxiques et jamais une personne non-binaire, une femme trans ou un homme trans, dans ces situations on prend à peine le temps de mentionner l’existence de leur organe et c’est la même chose et même pire dans les films porno où l’obsession de la taille tombe carrément dans le cliché raciste, ce qui crée un climat particulièrement dommageable pour les hommes noirs dont plusieurs ont été durablement traumatisés par des commentaires incessants liés à des fantasmes sur la taille de leur pénis et c’est trop souvent aux femmes noires que revient la charge de supporter ces hommes qui vivent avec les conséquences de ces traumas sur leurs identités raciales et sexuelles, alors mieux vaut arrêter cette fixation sur la grosseur de l’outil.
Le fonctionnaire sexuel organise Les outrages du contribuable récalcitrant. La procédure est expliquée sommairement Dans la dernière circulaire ministérielle : Vulves tamponnée et formulaires phalliques Sperme s’écoulant par l’hygiaphone charnel
Je collectionne les soumissions au Conseil du trésor Les viols en triplicata et les secrétaires fielleuses Au goût d’encre xérographique sous la langue Mon corps cassé, classé, estampillé Est donné à voir aux technocrates liquides Est abandonné en pâture au chacal de cuir.
Je souffre des plis vulvaires de la lune Cicatrices argentées sur mes nymphes d’émoi Qui grugent le bois huileux des naufrages Et mes yeux froissés de vestale impie
Apaise ma peine de ton hymen froid Serre contre ma nuque tes cuisses d’oubli Tes cheveux sont des aiguilles rouillées Dans mes bras assoiffés de sucs maladifs
Nous prierons le vide et recevrons la terre Je vendrai ta salive aux apaches éborgnés Pour une seconde d’éternité assourdissante Pour un instant tragique, le souffle coupé
Le rêve n’a plus de regards, et toi, Femme aux mille sexes armés de fer Tu plonges dans mon esprit tes cils vacillants Pour éclairer le ciel d’apostasies flamboyantes
Notre agonie sera pavée de marbre obscur Assourdissante comme l’aliénation délirante Dans la grande prison des stigmates Refuge abyssal des corps fracassés
Je suis petite petite avec des dents Polies comme mes vices Les aiguilles ne me font plus peur Bras cuisses fesses Des artères en cage de zèbre Raides comme des évêques.
Sucre roux englués poils de sérum chaud Je suis infusée de doutes malléables De rêves bulgares sur ma motte savonneuse De miel d’ordures dans mes amours infibulées Je suis blessée par le temps liquide Qui coule au cœur putride de mes os.