Mme A.A. l’Antiphilosophe déménage

Cher journal,

J’ai déniché un superbe appartement avec une seule chambre à coucher traversé par le train qui transporte les immigrants aux dents de plâtre. J’ai trouvé une bille d’uranium dans mon urètre, c’est un signe de la fin des temps. Depuis mon balcon, j’ai vu les oies luminescentes traverser le ciel obscurci par l’haleine des voisins. Les soupçons entretenus par les mégères de papier ne résistent guère à l’acide sexuel qui coule de ma bouche déflorée. Mon propriétaire ignare court plus vite que l’horloge atomique sans bretelles qui siège au Vatican. La dame des objets perdus a été retrouvée épinglée sur le mur de son bureau, la matrice retournée comme un gant et sur le visage l’expression figée et béate de celle qui a rempli tous les formulaires. Il n’y a plus de cabines téléphoniques, il n’y a plus d’endroits pour contacter les courtisanes transversales lorsque la lune de gruau glisse sur mon sexe irrité.

La ritournelle minuscule est une valve caillée sur les fibres végétaux de mon cœur. La nièce de Satan s’est inscrite aux cours du soir ; elle travaille comme téléphoniste à la compagnie de chaussures qui emploie des enfants dans son usine souterraine. Savoir conjuguer le verbe falloir à la première personne du singulier n’est pas donné à tout le monde. En fait, il n’y a que les livreurs anthropophages employés par Über qui ont des doigts assez liquides pour imbiber suffisamment la grammaire et ainsi accomplir un tel exploit. La charrette des lépreux a des roues de roquefort et laisse des traces vertes sur le tapis floral de ma salle de bain.

J’ai reçu de la visite pour la première fois dans mon nouvel appartement. Elle s’appelle Désarroi et elle est caustique et tranchante comme une épine de métal sur le front du Christ postindustriel. Entre mon lit et la cuisine se trouve le crématoire ; il y flotte une odeur cauchemardesque de yogourt allégé à la banane. La porte fait un tel boucan en ouvrant qu’on croirait entendre sainte Thérèse d’Avila sodomiser depuis l’enfer les élus avec sa verge bardée de clous purulents. Je me console en me disant que le loyer est à peu près raisonnable.

Le chignon d’Emma Goldman

Cher journal,

Le ciel est bas ce soir et l’air laiteux comme ma peau ne le sera jamais. La ville a des tendons, je baigne dans sa lymphe, mirage opaque de métal. On me siffle, je n’ai plus de cils, les garçons qui jouent à la pelote dans les ruelles me bouffent le cœur. Les murs sont maculés de slogans lycanthropes, chaque flic comme une star de Hollywood me déteste. Près du square, je vois la fillette ductile du quatrième, motorisée comme une huître eidétique. Elle largue ses bombes capillaires sur l’épicier spongieux transpercé de mille couteaux.

La vitrine me renvoie le reflet de mille Anne Archet fracturées fondantes sous l’acide du temps qui me répètent : « Je suis presque morte, je suis si amoureuse mais pourtant tellement mourante, je suis une femme et je fais ce que je crois que les femmes font lorsqu’elles disparaissent. »

Ne versez pas l’eau des siècles sur ma joue.

Gnoséologie de la perte blanche

Cher journal,

Dans mon lit ce matin dormait près de moi Stenka Razine. Sa barque était sombre et brutale ; il m’a jetée par dessus bord pour prouver à ses cosaques que son âme restait grande et loyale. Ma fente de cuir suintait l’eau de rose comme une icône miraculée mais il n’y avait personne à abreuver sur les rives du Don. Je flottais, algue apostasiée entre les eaux tièdes et obscures des pensées communes. Des cheveux et des sexes frôlant ma joue, me forçant à avaler, désemparée, ce liquide épais et astringent. Heureusement, je fus sauvée par cette femme nue à la peau bleue, portant les stigmates sur sa langue, ses pieds, son flanc et ses innombrables mains. Elle n’a toujours pas quitté mes bras, ses cris creusent sur mes tempes des sillons qui se rejoignent pour former un alphabet impur.

J’ai la lèvre inférieure tuméfiée et l’ironie terrifiée. 

Huit moins six deux

Cher journal,

J’en ai fini de retenir mon souffle parce que la peur a changé de camp Camarades c’est au peuple de saisir la géographie suicidaire que les femmes bien nées cuisent dans un wok bitumineux LA PEUR A CHANGÉ DE CAMP à cheval sur le fil du couteau coïtal ma mère expulse de sa matrice des charcuteries familiales qu’il faut baptiser avec un bidon d’essence et une allumette un gâteau creux qui contient des jambes tronçonnées gainées de soie kretzmuque foutus astérisques gravés au fer rouge sur mon clitoris fromager que j’exhibe devant la classe voilà mon flux menstruel livré pour vous LA PEUR A CHANGÉ DE CAMP sauce à l’ail une pharmacienne anthropophage cachée dans les replis du prépuce institutionnel d’Ernest Cormier glavragique finanstère chestante le poltron d’épice souffre de désordre épilatoire LA PEUR A CHANGÉ DE CAMP dans la rue les femmes sont debout ivres de désespoir — mais pourtant debout leur salive est corrosive elle dissout les statues deux minutes avant la nuit.

Prélude à l’après-midi d’un faux

Cher journal,

Dans une chambre de six mètres carrés, je dors sur un lit de goblets en carton ciré. Des chrysanthèmes poussent sur mes paupières closes, leurs racines courent de mes yeux à mon clitoris. Couchée sur le dos, je résilie mon abonnement à la vie grâce aux ondes sympathiques qui se diffusent dans mon bidet. J’ai l’arme facile et la larme à la main, des coléoptères de bronze sous les ongles et l’envie de dissoudre mes pensées dans le fleuve du néant. Quand le sultan viendra me rendre visite, habillé d’une couche d’incontinence, d’un faux nez et d’un tuba. je serai prête à lui faire du bout des doigts les quarante signes secrets qui invoqueront Orobas et ses hordes de notaires ailés. Je lui demanderai de devenir impératrice du Siam et il lira mon avenir en m’éventrant et en mastiquent mes viscères. En attendant, je verse mes acomptes provisionnels et je me nourris de punaises de lit, comme le recommande le Talmud.

Cacographie sous ordonnance

Cher journal,

La glace est mince et j’entends le bruit sourd des craquements quand passent les morts près de la lumière verte des pronoms conjonctifs. Ce qui se trouve sous mes pas n’est pas l’apaisement des sens et la félicité de l’âme, mais bien la suie des garages et l’isthme de l’alimentation famélique. Nartex de l’église immobilière, les échanges pétrifiés sont sans sel, sans signes, comme l’huile disloquée sous un sourire minéral. Ô piètre sucs de jouvence, vos scie à chairs couvrent le chant des méduses. Je suis jaune et partout m’accompagne cette odeur de formol — moi qui n’embrasse que ce qui est long et dur et fuyant comme un liquide organique coulant d’un erlenmeyer sur les pages d’un rapport trimestriel.

Babil batave

Cher journal,

Jacques croque carnivore le thé tamisé tétanisé qui roule et qui roule ma mièvre farine et la clique cassée des clans claudicants. Quant à Karl, qui à Caen claque des canons, son sillage scie ses saucisses sans sourciller.

Voilà toutes les nouvelles dignes d’être drainées par les vésicules de la Vistule virulente.

BOROMIR BRODO BRODO BROMODO BODORO BOMORODO BROBROMORODO BODO

Rénovation stoïque

Cher journal,

Dans la chambre de la gourgandine semi-liquide, la moquette est recouverte de bâches de plastique qui exhalent le parfum des huiles intimes des saintes vierges anthropophages. On y entre comme une hétaïre cisaille un prépuce : avec la conviction inébranlable des cosaques zaporogues répondant au sultan de Constantinople. La catin merveilleuse m’y attendait, fardée des douze nuances de carmin de Lucifer ithyphallique, avec aux seins les pinces d’acier qui font jaillir le lait grumeleux des pestes noires. À genoux, dos à elle, je lui présentai l’étoile obscure de mon cul, qu’elle ondoya de son goupillon fibreux dont la chair froide et humide a visité toutes les cavités des multitudes damnées des souterrains. J’en suis sortie grandie, humide, l’âme élargie et ouverte à toutes les vibrations célestes qui marquent et cataloguent les marchandises cauchemardesques hantant les allées noires des commerces naufragés. Dorénavant, je ne lirai plus les catalogues, j’irai simplement dans éponges et sans dentelle répandre mon sang pour la patrie disparu des monstres charcutiers.

Doda al coda

Cher journal,

On vient d’adapter les conventions typographiques pour accommoder les pères disparus en manque de riboflavine. Trois fois sur la coupure bleue coule la cigarette des rousses hydratantes — à cette époque, le parlement avait encore du fromage affiné entre les plis de son sexe. Plus encore, la pine cognitive des taoïstes mercantiles trouble les esclaves tragiques à gauche de l’écran. Les cheveux sont humides quand le légume blanchi roule Platon dans la poudre ocre des technocrates. Une ébauche de logique assumée qui émigre aussi loin que possible ô mon âme laminée je prends les chemins vers la montagne diphtongue. Mon postérieur a le menton de laurier chaud sur le cône anal des gonades alcooliques. Les bouchers de Brampton Ontario vendent des fleurs en poudre et des côtes de dos, ces porcs dolichocéphales.

Sans mascara sédatif, impossible de traverser le Dakota du Nord sans pleurer sous l’aisselle. Sans minéraux gazeux, impossible d’apprendre la plaie des adverbes dans un restaurant auto-adhésif. Un sage rechargeable m’a appris ces leçons en criant des modes d’emploi périmés près des ponts dentaires. Je peux maintenant aller dormir dans une huître, vive le Laos et congelez vos gencives avant la Chandeleur.

Le monde a toujours été une géométrie

Cher journal,

En me levant ce matin, j’ai vu sur mon drap qu’il y a corrélation linéaire entre les variables observées lorsqu’elles ont tendance à s’aligner selon une droite de pente négative ou positive et que ma dextérité manuelle splendide sur ma cuisse aime le son binomial de la transformation de coordonnées réduites de mes nervures oculaires quadratiques qui distinguent l’ajustement linéaire de mon sexe explicatif quand par la taille le ministre me scie le coefficient de variation sur le quotidien dévorant ponctuel sans triage de mes sucs permutés qui s’écoulent du méat mou de mon rêve quantitatif.

Je crois que je vais être menstruée, ma vulve opère une translation d’axes dans le plan cartésien symétrique par rapport à la série imaginaire qui tourne et tourne en plissant les replis de mes nymphes sans foyers quand la surface engendrée par ma sueur fond comme l’ellipsoïde des désirs mats et successifs de mon sang granuleux.

C’est décidé : je me convertis à l’hérésie du libre esprit.